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Au Brésil, la peine infligée à l’ex-bras droit de Lula provoque un séisme politique

L'ancien président brésilien Liuz Inacio Lula avec son bras droit de l'époque, José Dirceu, le 16 juin 2005.

La condamnation à près de onze ans de prison, lundi 12 novembre, de José Dirceu, l’un des hommes politiques les plus influents du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir et ex-bras droit de l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, a provoqué un séisme dans le paysage politique brésilien. Pour la première fois dans l’histoire de la démocratie depuis la fin du régime militaire en 1985, la Cour suprême a infligé une peine d’emprisonnement pour corruption et association de malfaiteurs à un personnage clé du pouvoir.

Chef de cabinet de Lula de 2003 à 2005, M. Dirceu, 66 ans, est accusé d’avoir dirigé et organisé un vaste système de pots-de-vin et d’achats de votes de députés au Parlement de Brasilia par le PT, qu’il avait lui-même fondé avec l’ancien chef d’Etat en 1980 à Sao Paulo. « La responsabilité de l’accusé est extrêmement haute. José Dirceu a profité de sa position de dirigeant aussi bien au sein du PT qu’au gouvernement fédéral lorsqu’il occupait le poste stratégique de ministre en chef de la maison civile [une sorte de chef du gouvernement]«  pour commettre des délits de corruption, a affirmé Joaquim Barbossa, le juge-rapporteur du procès entamé début août. Et d’ajouter :  » Il a mis en danger le système politique, l’indépendance des pouvoirs et la République, en contradiction flagrante avec la Constitution. »

Montage qui était apposé devant la cour suprême de Brasilia et qui présentait José Dirceu, l'ex bras droit de l'ancien président Lula, en tenue de prisonnier.

Principal accusé politique de ce procès-fleuve dit du « mensalao » (grosse mensualité), le scandale qui avait failli coûter la réélection du président Lula en 2006, M. Dirceu s’est donc vu condamner à dix ans et dix mois de prison avec une amende à payer de 676 000 reais (260 000 euros).D’après le code pénal brésilien, l’ancien responsable politique pourra quitter la prison pour aller travailler, durant la journée, après avoir effectué un an, neuf mois et vingt jours derrière les barreaux. Il sera également inéligible jusqu’en 2031.

Portrait : Au Brésil, l’ancien bras droit de Lula condamné (Edition Abonnée)

La peine, initialement calculée et formulée par le rapporteur Joaquim Barbossa, a été adoptée et votée par la majorité des dix juges de la haute cour. Les magistrats Carmen Lucia et Marco Aurélio avaient requis une peine moins importante. MM. Ricardo Lewandowski et Dias Toffoli n’ont pas participé au vote, quittant la salle du tribunal en signe de protestation.

37 ACCUSÉS, 27 COUPABLES, DONT UNE BANQUIÈRE

Dans la foulée du verdict de José Dirceu, la cour a condamné José Genoino, ex-président du PT à l’époque des faits, à six ans et onze mois de détention – en régime de semi-liberté – ainsi qu’à une amende de 468 000 reais (180 000 euros). L’ancien trésorier du parti, Delubio Soares s’est vu infliger une peine de huit ans et onze mois de prison avec une amende de 325 000 reais (125 000 euros).

Au total, sur les 37 accusés de ce procès du Mensalao, 25 ont été reconnus coupables d’avoir pris part à ce réseau de corruption. L’ancienne dirigeante et actionnaire de la Banque rurale (Banco rural), Katia Rabello, soupçonnée de blanchiment d’argent et d’avoir injecté 32 millions de reais dans le système d’achat de vote par le parquet, a été condamnée à seize ans de prison et à une amende de 1,5 millions de reais. Première banquière ainsi condamnée par la Cour suprême, elle a dû remettre, lundi soir, comme quinze autres co-accusés, son passeport aux autorités locales.

Avec José Dirceu, la majorité des juges a donc condamné et infligé une lourde peine de prison, malgré l’absence d’un quelconque document compromettant, à cette figure d’autorité du PT promis, avant l’éclatement en 2005 du scandale, aux plus hautes marches du pouvoir. Ses proches ont immédiatement réagi en qualifiant le jugement d’ « infamie ». Jilmar Tatto, le leader du PT à la Chambre des députés, a évoqué une « condamnation politique » et regretté une « grande injustice », faisant allusion aux combats menés dans le passé par José Dirceu, l’ex-leader étudiant et ex-guérillero, contre la dictature militaire. A Sao Paulo, lundi soir, lors d’une réunion publique, Lula a refusé de commenter le jugement de Brasilia.

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