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Azali Assoumani, ex-président des Comores à Financial Afrik

Azali

«La signification qu’on donne à cette indépendance est que les Comores sont devenues indépendantes de la France»

06 juillet 1975, c’était il y a 40 ans ! Oui, 40 ans, le peuple comorien, accédait à l’indépendance après plus de 150 ans de colonisation française. Après un référendum qui a obtenu l’approbation de 95 % des électeurs, les îles Comores, un État insulaire d’Afrique situé dans l’océan Indien, proclament unilatéralement leur indépendance le 6 juillet 1975.

 

De la République Démocratique, Laïque et Sociale de 1976 à 1978, de la République Fédérale et Islamique de 1978 à 2001 et de la République de l’Union des Comores à nos jours, les Comores, célèbre le 5 juillet prochain ses quarante années d’existence en tant que pays souverain, membre à part entière du concert des Nations libres. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, l’ex-président des Comores M. Azali Assoumani, revient sur bilan des 40 ans d’indépendance de son pays.

 

Financial Afrik. Monsieur Azali Assoumani, bonjour. Nous entamerons cette interview par la traditionnelle question : quelle est la situation actuelle des Comores ?

Azali Assoumani : La situation actuelle des Comores est que le pays est en paix et en sécurité. Cela est un point positif. Mais le pays souffre d’un problème de développement.

Les Comores fêtent le 6 juillet 2015 les quarante ans de leur indépendance. Quel bilan en tirez-vous ?

Je tire un bon bilan. Le pays est souverain et cela est très important. L’indépendance a été une grande opportunité. Désormais, le pays a beaucoup de cadres dans plusieurs domaines. Cela est essentiel pour le développement du pays. Maintenant il faut se donner les moyens d’amorcer son développement. Si l’on compare les indices macroéconomiques (PIB, Scolarisation entre autres), le pays a énormément évolué. Je peux vous assurer qu’en 2005, le pays avait une croissance de plus de 4 %. Malheureusement, elle a chuté aujourd’hui. Mais, il faut juste savoir qu’à certains moments, on a connu des crises, mais à d’autres moments aussi, on a réussi à décoller.

Quelle signification donnez-vous à l’indépendance des Comores, 40 ans après ?

De ce côté, je risque d’être un peu égoïste. Moi, je suis un produit de l’indépendance. J’ai eu mon bac après l’indépendance. J’ai fait ma formation et je suis devenu président de la République. Donc, je crois que je suis le mieux placé pour donner une appréciation de l’indépendance. Sinon, cette appréciation risque d’être égoïste parce qu’il ne s’agit pas d’être président, mais il s’agit d’être président pour faire quelque chose. La signification qu’on donne à cette indépendance est que les Comores sont devenues indépendantes de la France. Malheureusement, les indépendances n’ont pas été obtenues dans une approche coopérative, car la France a gardé son administration à l’île de Mayotte. Mais les trois autres îles ont pu décoller. Beaucoup d’infrastructures ont été mises en place et des cadres ont été formés. On a une université où l’on forme les cadres sur place. Donc, la signification que je donne à l’indépendance des Comores est que c’est un pays (comme beaucoup de pays africains) qui a eu son indépendance, qui a pris sa destinée en main et qui est convaincu que son développement ne passera que par ses enfants. L’État n’a pas d’âge. C’est l’homme qui a un âge. Les pays qu’ont dit développés maintenant ne sont pas nés développés. Ils se sont retroussé les manches, ils se sont serré la ceinture. Le sous-développement n’est pas une fatalité.

Un parti unique est-il une solution pour faire sortir le pays de la pauvreté ?

Non, pas du tout. Moi, j’étais jeune quand on a vécu ce parti unique pendant la guerre froide. Mais c’est à partir du moment où les pays ont adopté le multipartisme, l’état de droit et la bonne gouvernance qu’ils ont réussie à progresser. Les pays qui s’en sortent d’ailleurs en Afrique sont des pays qui pratiquent le multipartisme. Depuis 1990, tous les pays connaissent le multipartisme sauf un seul  qui a refusé de s’y soumettre,  la Corée du Nord en l’occurrence.

Après 4 années passées à la tête du pays, avez-vous tenu vos promesses au peuple comorien ?

Là vous me demandez d’être juge et partie. C’est une fonction très difficile. Ce ne sont pas quatre ans. Ce sont sept ans. J’ai fait trois ans sans être élu. Mais les quatre ans qui ont suivi, j’ai été élu. On est tous unanimes. Quand on parle de l’histoire des Comores, on n’a jamais vécu 10 ans de stabilité. On a eu un système en dents de scie qui faisait que tous les quatre ans il y avait un coup d’État. Mais à partir de 1999 jusqu’à maintenant (bientôt 16 ans) le pays a connu une stabilité. À cette date, on a connu un tiraillement entre les îles. Heureusement, chez nous il n’y a pas d’ethnies ni de tribus. Nous avons une seule religion. Mais l’insularité a failli nous prendre en revers puisqu’on a failli se battre entre îles. Nous avons frôlé la guerre civile. Et là, l’armée est intervenue et a réuni toutes les tendances politiques pour s’asseoir et concevoir un système que nous avons mis en place. J’ai tenu mes promesses au peuple entre autres la sécurité. Nous avons eu des relations avec des bailleurs de fonds. Nous avons eu des pics très encourageants en matière de développement. J’ai fait de mon mieux.

 

Quelle est aujourd’hui votre définition de la démocratie comorienne ?

C’est une très bonne question. Pour moi, la démocratie pour les Comores est que le peuple comorien doit prendre en main sa destinée. C’est cela que j’appelle la démocratie. Et pour que cette destinée soit mieux exercée, il faut qu’il y ait des élections libres et transparentes, l’état de droit et la bonne gouvernance. C’est-à-dire permettre à tous les citoyens de dire ce qu’il pense par rapport au mieux-être du pays. Les médias doivent être libres pour relater ce qui se passe, mais qu’on ait un système judiciaire qui permette de sanctionner ce qui ne va pas afin de tirer les leçons par rapport aux jeunes générations. La démocratie,  ce sont des actes qu’il faut assumer.

40 ans après, une mission du FMI note récemment que la situation économique des Comores s’est dégradée au cours des derniers mois. La crise dans le secteur de l’électricité a affecté négativement l’activité économique et par incidence les recettes fiscales en raison des coupures d’électricité persistantes. Quel commentaire faites-vous de cette situation ?

J’ai un commentaire d’un Comorien lambda. Je constate qu’il n’y a pas d’électricité. Personnellement, je vis cette situation comme tout le monde et les conséquences malheureuses sont le fait que l’économie marque le pas. Je pense que cette situation est due au fait qu’on a tardé à mettre en place un système d’énergie renouvelable qui permet de remédier à cela. Ce sont des problèmes que tout le monde connaît. Je crois que le déficit comorien est la pensée de ce système. On est dans un système tactique, mécanique. C’est un système aléatoire. Il faut penser à un système d’énergie qui peut être durable. Les leçons étaient tirées. Je ne me mêle pas du travail du gouvernement actuel. Mais il faut reconnaître qu’ils ont pris des initiatives dans ce domaine pour essayer d’apporter des solutions. Je souhaite qu’ils y arrivent, car si une solution est trouvée, elle concernera tout le monde.

 

Monsieur Azali sera-t-il candidat à l’élection présidentielle de 2016 ?

Une très bonne question à laquelle Azali ne peut pas répondre maintenant puisque Azali, de par sa formation, est quelqu’un de très discipliné. Il a exercé des fonctions, il a essayé d’éduquer des gens. Aujourd’hui il appartient à un parti politique national. Je crois que ce serait maladroit et pas respectable que n’importe qui dans le parti se permette de se déclarer candidat alors qu’il y a des structures du parti qui permettent, le moment venu, de désigner le candidat. Dans deux mois, notre parti va se réunir pour désigner son candidat.

Quel message souhaitez-vous adresser aux Comoriens ?

Je veux leur adresser un message d’espoir. Les Comores ont traversé des périodes très difficiles. Les coups d’État à répétition tous les 5 ans n’ont jamais permis à un pays d’avancer. Mais cela fait 15 ans qu’on a réussi quand même à tourner cette page. Mon message est qu’après avoir gagné cette bataille de la paix et de la sécurité, ils doivent aller dans le sens de la consolidation de ces acquis. La  paix et la sécurité sans un développement économique sont toujours précaires. Le développement ne viendra pas de l’extérieur. Je lance aussi un message à tous les leaders politiques pour qu’ils pensent à un projet de développement pour les Comoriens.

 

 

Propos recueillis par Youcef Maallemi

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