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Chine : le premier congrès communiste de l’ère Weibo

Le rituel et la propagande du Congrès du Parti communiste chinois (PCC) n’ont guère changé, le vocabulaire ampoulé et les formules creuses des rapports et des discours non plus. Mais, pour la première fois, ce grand-rendez vous politique, le 18e qui s’achève mercredi 14 novembre – avec une présentation prévue à la presse le lendemain des nouveaux dirigeants, dont le numéro un Xi Jinping – se déroule à l’ère de Weibo (microblogs en chinois), qui compte plus de 300 millions d’utilisateurs, pour plus de 550 millions d’internautes. Le plus populaire des sites de microblogs, celui de Sina, a été lancé en 2009, au moment où Twitter, son modèle occidental, était bloqué en Chine à la suite des émeutes à Urumqi, dans la province du Xinjiang.

Pour le PCC, le congrès est l’occasion de déployer une énorme propagande sur les réussites du régime. Tous les médias officiels sont mobilisés. La plupart du temps, pour les informations politiques, les journaux utilisent les dépêches de Chine Nouvelle (Xinhua), qui donnent le ton de la couverture quotidienne en fonction des directives du département de la propagande du PCC.

Des conférences de presse sont organisées, mais certains journalistes étrangers ont beau lever la main pour poser des questions, ils ne sont pas désignés par le maître de séance… Lundi 12 novembre, l’une d’elles portait sur les « délégués de base » du PCC avec un déploiement de langue de bois sans pareil.

La salle de conférence de presse du 18e congrès du Parti communiste chinois.

Des tournées sont également organisées. Lundi, le thème était « Développement scientifique, résultats splendides ». L’occasion de présenter, au pas de course, dans le quartier de Xicheng à Pékin, un des plus grands de la capitale, un  » centre de service administratif « , où sont présentes une trentaine d’administrations. Le centre, flambant neuf, est destiné à faciliter les démarches des habitants. Sur le mur du local des « volontaires », mobilisés depuis les Jeux Olympiques à chaque occasion, sont affichées leurs différentes tenues, dont celle que portait Mme Chang pour le mausolée de Mao à Pékin.

Les tenues de volontaires chinois mobilisés à chaque grand évènement dans le pays.

Puis un petit tour au centre de contrôle du trafic automobile de Pékin avant une visite dans une école en début d’après-midi. Les journalistes étrangers sont utilisés par les médias officiels pour bâtir des sujets sur la manière dont « le monde regarde le 18e congrès ». Toujours de manière positive avec des citations soigneusement triées, car il n’est pas question de donner une mauvaise image du pays. A chaque visite organisée par le centre de presse du congrès, les journalistes étrangers se voient donc entourés et interrogés par leurs collègues chinois pour leur tirer des phrases sur les merveilles qu’ils sont censés avoir vues.

Une journaliste étrangère assaillie par ses homologues chinois lors du 18e congrès du PCC, pour recueillir ses impressions.

De manière intéressante, c’est une jeune fille de 11 ans, présente au Congrès pour un journal destiné aux adolescents, qui a semé le trouble parmi les délégués. Lors d’une réunion de travail, ouverte à la presse, où se trouvaient des ministres, elle a posé une question sur les problèmes de sûreté alimentaire, secouant d’un coup l’assemblée. « Comment peut-on être sûr de ce que nous mangeons à l’école ? », a-t-elle lancé.

Le centre de presse du 18e congrès du PCC.

Cependant, grâce à Weibo, les voix critiques peuvent se faire désormais entendre en temps réel. Les dissidents, éventuels fauteurs de troubles, ont certes été éloignés de la ville, comme Wang Lixiong  ou Hu Jia. Les intellectuels, qui travaillent dans les universités, sont tenus au silence. « La pression est grande », expliquait l’un d’eux au téléphone, refusant une interview.

Mais sur Weibo, malgré la censure, « on a vu beaucoup de commentaires du discours de Hu Jintao au premier jour du congrès », relève Renaud de Spens, spécialiste d’Internet en Chine, basé à Pékin, auteur du Dictionnaire impertinent de la Chine (Bourin éditeur, 398 p., 22 euros). « On a pu mesurer à cette occasion les réactions extrêmement critiques non seulement envers le discours de Hu mais aussi de sa personne », poursuit-il.

Les médias du régime, comme Chine Nouvelle, Le Quotidien du Peuple et la télévision CCTV, et certains délégués sont également présents sur Weibo, où ils essayent de porter la parole officielle, malgré une certaine hostilité. Ils ont ainsi tweeté les principaux points saillants du discours de Hu Jintao, le numéro un sortant, le jour de l’ouverture du Congrès. Un socialisme aux couleurs de la Chine en 140 signes…

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