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Combo est sans tombeau

Un mort sans sépulture. C’est ainsi que je qualifie le défunt lieutenant-colonel Combo. Il a été froidement assassiné à Moroni par des parfaits inconnus. Dès lors, une enquête judiciaire fut ouverte et au bout d’une instruction longue, incroyable et aberrante, un jugement de farce a été prononcé. Aucun coupable n’a été trouvé.

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Je me propose de publier aujourd’hui, cette partie de notre histoire commune. Elle peut être malheureuse et dérangeante, mais elle n’en demeure pas moins nôtre. J’en parle avec la plume d’un historien impartial, qui décrit un sinistre événement avec objectivité et sans partie prise.

Les principaux suspects

Combo était hautement placé parmi nos compatriotes militaires. A l’époque de sa mort, le président de l’Union des Comores s’appelait Ahmed Abdallah Mohamed Sambi et le chef des armées était le redoutable Général Salimou Mohamed Amir.

Les analyses balistiques sont formelles. L’arme qui a servi à abattre le malheureux, est connu des services de l’Armée Nationale de Développement. C’est donc une arme, que Salimou devait normalement connaître. De toutes les façons, pour qu’une arme puisse se retrouver d’usage, cela nécessite au préalable, un accord du chef d’état-major. Il est donc difficile d’imaginer que l’arme du crime ait été méconnue de Salimou.

En ce qui concerne Sambi, les choses sont complexes. Il aurait pu ne pas être au courant. Sauf que l’histoire est têtue. On connaît les relations qu’il entretenait avec Salimou. Tous deux s’entendaient pour le moins très bien. Nous en avons vu la preuve lorsque, au lendemain du débarquement militaire à Anjouan, Sambi décida d’élever Salimou au rang de Général. Le discours qu’il prononça pour l’occasion, demeura célèbre.

Pourtant, curieusement, Sambi n’a jamais été inquiété dans cette affaire. Et alors que Salimou a dû passer quelques années en prison, Sambi passait des journées heureuses parmi les hommes libres. Et à la libération de Salimou, l’affaire a été mafieusement bouclée. Faute de preuves l’incriminant, Salimou a été relâché et l’affaire n’a connu aucun lendemain. Pourquoi aucune suite probante n’a été donnée ? Pourquoi Salimou n’a pas exigé que le vrai coupable soit arrêté pour laver son honneur incroyablement salie ? Pourquoi n’a-t-il pas demandé que l’enquête continue son cours ?

Et si Salimou et Sambi connaissaient le responsable de cet acte ignoble ? Et si tous deux semaient le zist et le zest pour brouiller les pistes ? Cette histoire est loin d’avoir livré tous ses secrets. Une histoire tellement mystérieuse que le juge qui instruisait ce dossier, malgré le jugement qui était rendu, était convaincu d’avoir trouvé un coupable. Pourquoi personne n’a suivi les pistes du juge Rachad ? Pourquoi Sambi ne s’est pas appuyé sur les convictions de celui-ci pour accabler son co-accusé ? Ça sent le renvoi d’ascenseur. Jadis, Salimou qui se disait innocent n’a pas craqué malgré les années d’incarcération.

Dans une vidéo diffusée sur internet, Sambi clame haut et fort son innocence. Mais, présomption d’innocence oblige, diront les adeptes du politiquement correct, il n’accuse personne. Pourtant il sait très bien qu’ils sont deux à être principalement suspectés.

De sa part, Salimou s’est interdit de tout commentaire officiel sur ce dossier. Dans une conférence à Sarcelles en présence de l’économiste Darchari Mikidache et d’un chercheur marocain, animée par le sociologue Msa Ali Djamal, Salimou survola rapidement cette question. Il se disait victime de complot sans rien ajouter d’autres. Pourquoi est-il si peu bavard ? Si j’avais été accusé à tort d’assassinat, je me serais servi de mon verbe pour pousser à la découverte de la vérité.

Un détail qui est loin d’être anodin. Salimou comme Sambi, celui-là même qui est prêt à faire parler la loi suprême à sa guise, sont en campagne pour les convoitées présidentielles de 2016. Je m’abstiens de toute interprétation sur cette coïncidence anonyme mais tout le monde comprend que le hasard est partout sauf en politique. Alors, manœuvre machiavélique individuelle ou sadisme bipolaire ? En tout état de cause, le meurtrier de Combo est connu par au moins deux Comoriens discrets.

Un juge d‘intrusion nommé Rachad

Rachad, l’intempestif juge qui a instruit l’affaire Combo, devenait de plus en plus gênant. Il s’obstinait à divulguer ses conclusions. Bien sûr, dans une affaire abonnée aux immobilismes, cela ne pourrait guère passer. Sa persévérance a fait de lui, le plus grand intrus du dossier. Il fut simplement décharger de l’affaire. Il résolut alors de publier sa vérité. Il croit dur comme fer, que Salimou est bien le meurtrier de Combo. L’affaire, auréole de ses mystères et lobbyings, ne connut aucun rebondissement nouveau malgré les révélations de Rachad. Plus loin dans son véritable plaidoyer contre Salimou, Rachad s’est dit avoir mis sa vie en danger en parlant.

Quel intérêt a Rachad d’accuser Salimou ? Rien. Absolument rien. Pourquoi risquerait-il sa vie pour rien ? Il a sans doute été animé par la volonté de mettre en lumière cette histoire ténébreuse. Mais personne ne l’a écouté. Pourquoi ? Tant de questions s’imposent. Aucune réponse n’apparaît. Raison d’Etat ? Assurément pas.

Pensons à sa famille et rendons justice

Combo avait, comme tout le monde, une famille dont une femme qui se bat sans relâche pour que justice lui soit faite. Nos autorités ferment les yeux et passent outre cette macabre histoire. Certes, la justice comorienne est connue pour son injustice mais là, les choses dépassent l’entendement. Ça frôle le ridicule. Il y a quand même mort d’homme.

Si nous ne rendons pas justice par logique, faisons le par humanité. Ou alors faisons le par crainte au Seigneur auquel nous croyons, lui qui nous demande justice, humanité, paix et égalité. Aux Comores, comme l’a si bien chanté Maalesh, seuls les voleurs de poule connaissent la prison. Les meurtriers, les malfaiteurs et les grands TGV sont non seulement honorés et enviés, mais sont aussi et surtout assurés d’une immunité totale, étendue et éternelle.

Cette mascarade n’a que trop duré. Rendons justice en rouvrant ce dossier. Aussi engloutie soit elle, la vérité finit toujours par vaincre les ténèbres qui l’environnent. D’après Montesquieu.

Massoundi IBRAHIM

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