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Des établissements publics en agonie

​Les sociétés d’Etat et établissements publics de notre pays, sont gérés malheureusement dans la grande opacité et dans l’illégalité depuis plusieurs années. Il y a trois ans, les dernières auditions des Directeurs Généraux de certains établissements par le Chef de l’Etat ont prouvé encore une fois la gestion calamiteuse des sociétés d’Etat et établissements publics de ce pays. Ces auditions publiques ont mis à nue le disfonctionnement manifeste des sociétés d’état et autres établissements publics. Des responsables politiques et au premier chef, l’ancien Président de l’Union, Ikililou Dhoinine, avaient avoué en public leur ignorance sur le fonctionnement de ces sociétés d’état. Ils se sont plaints de la quasi- faillite de ces sociétés, de la gabegie dans les gestions des fonds, du non-paiement des taxes et impôts.
 
Certains établissements publics sont  en cessation de paiement depuis des années et sont  maintenus artificiellement en vie grâce aux multiples subventions de l’Etat. C’est le cas de la société comorienne de l’eau et de l’électricité (MA-MWE). Au cours de ces 5 dernières années, cette société qui a connu près de  4 directeurs généraux, poursuit sa descente aux enfers et les délestages de l’électricité paralysent l’administration et le secteur privé en dépit des efforts consentis par l’Etat.  La loi de finance de la présence année a prévu une subvention de près de 3 milliards de Fc au profit de la Ma-Mwe. L’Etat vient d’acquérir pour des groupes électrogènes au profit de la Ma-Mwe pour un montant total de près de 6 milliards de Francs comoriens.
 
En 2011, la Commission de Vérification des Comptes (CVC) avait établi un rapport pertinent sur la gestion de la MA-MWE et avait formulé plusieurs recommandations pour sauver cette entreprise. Ces recommandations formulées par cette institution remplacée depuis, par la section des comptes de la Cour Suprême, n’ont pas été suivies ni par le gouvernement ni, par les cinq directeurs généraux successifs qui se sont succédés à la tête de cette entreprise publique, depuis la publication de ce rapport accablant.  Ce rapport évoquait des recrutements pléthoriques qui n’ont pas respecté les cadres organiques de la société, des dépenses excessives du personnel, des contrats de location-vente signés au détriment des intérêts de la société. Ainsi, sans le moindre appel d’offre, un contrat de location-vente a été signé entre la MA-Mwe et la société Leignon Synergie portant sur 20 véhicules de Marque DACI pour une période allant du 1er mars au 3 octobre 2011 d’un montant total de 124 920 000 Fc. Ces voitures livrées en 2011 sont tous en panne à l’heure actuelle et leurs épaves en voie de démantèlement par un personnel, peu soucieux de la sauvegarde de leur outil de travail, servent de décor au garage de la Ma-Mwe de Moroni.Le rapport de la CVC avait conclu que l’entreprise publique MA-MWE peut être redressée au prix d’une gestion financière rigoureuse et transparente. Cette gestion rigoureuse se fait toujours attendre. Récemment le Chef de l’Etat avait réuni  le 10 novembre 2016 les responsables des sociétés d’Etat et les établissements publics dans un atelier portant sur  les plans de redressement et de développement des sociétés d’Etat. Convoquée par le Secretaire Général du Gouvernement, cet atelier  avait pour objectif de valider les feuilles de route des entreprises publiques pour les cinq prochaines années.
 


Des recommandations ont ainsi été formulées, mais, la gestion  des sociétés d’état et établissement public demeure toujours opaque. Les règles de passation de marché ne sont pas respectées et la loi portant règlementation générale des sociétés à capitaux publics et des établissements publics de janvier 2006 qui définit le statut général des Sociétés à capitaux publics et des Etablissements Publics est ignoré et violée constamment par les gouvernements successifs et les responsables de ces sociétés. L’article 5 de cette loi dispose que les Sociétés à capitaux publics et les établissements publics à caractère industriel et commercial sont soumis à la législation en vigueur applicable aux sociétés commerciales et industrielles, c’est-à-dire les actes uniformes de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droits des Affaires en Afrique (OHADA) dont les Comores font partie des Etats membres, notamment ceux portant sur le droits des sociétés commerciales, l’organisation et l’harmonisation des comptabilités des entreprises. Cette loi de janvier 2006 dispose en outre que les sociétés nationales sont administrées par un Conseil d’Administration dont les membres sont nommés par les exécutifs de l’Union et des Îles Autonomes et par l’Assemblée de l’Union, pour un mandat renouvelable dans les conditions définies par les statuts. Le Conseil d’Administration délibère sur toutes les affaires rentrant dans l’objet de la société notamment le vote du budget annuel et l’approbation des comptes. Le Président du Conseil d’Administration est élu par ses paires à la majorité de deux tiers selon cette loi. Les sociétés nationales et les établissements publics à caractère industriel et commercial nationaux sont dirigés par des Directeurs nommés par le Président du Conseil d’Administration après délibération dudit Conseil.
 
Dans la pratique, les Conseils d’administration des sociétés et établissements publics d’état, sont moribonds voire inexistants  et ignorent parfois le budget annuel et les comptes de ces sociétés. Les directeurs des sociétés d’état sont toujours nommés par le Président de l’Union en violation flagrante des dispositions législatives en vigueur. Ces Directeurs Généraux ne rendent compte de leurs activités qu’au Chef de l’Etat qui les nomme. Les Ministères de tutelle sont superbement ignorés, voire, ridiculisés par ces puissants Directeurs qui gèrent les milliards des contribuables en « mauvais père de famille ».
Les sociétés à capitaux publics, les établissements publics administratifs, les établissements publics à caractère industriel et commercial avaient une période de six mois à compter de la promulgation de la loi du 2 janvier 2006 pour conformer leurs statuts à la nouvelle loi. La loi étant promulguée en 2007, aucune société nationale ne s’est conformée à la nouvelle loi. Les comptabilités de ces entreprises n’ont jamais tenu compte de la comptabilité de l’OHADA.
 
Pour lutter contre cette gestion chaotique de sociétés d’Etat et des établissements publics, le Gouvernement devra appliquer les dispositions de la loi de janvier 2006 pour restructurer les sociétés à capitaux publics et les établissements publics en commençant par la mise en place des conseils d’administration et l’harmonisation des statuts des sociétés et établissement publics à la loi. Le décret d’application de cette loi du 2 janvier 2006, en date du 3 septembre 2007, qui est en contradiction avec la loi, devrait être abrogé et remplacé par un nouveau texte qui tiendra compte des actes uniformes de l’OHADA et de la nouvelle configuration institutionnelle issue de la loi référendaire du 17 mai 2009. Sinon, le Gouvernement de l’Union devrait avoir le courage, pour légitimer leurs agissements, d’élaborer un projet de loi pour abroger enfin la loi du 2 janvier 2006 tant honnie et bafouée qui régit les sociétés d’Etat et les établissements publics.

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