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Guerre anti Aqmi au Mali : la rébellion touareg veut être de la bataille

Servir de troupes de choc pour aller attaquer Aqmi au Mali ? Ce n’est pas la première fois que le MNLA, le Mouvement national de libération de l’Azawad, avance l’idée. Les rebelles touaregs, dès le mois d’avril dernier, avaient proposé de faire la guerre aux katibas d’Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), qui tiennent une partie du Nord du Mali. Cela pouvait ressembler à une idée lumineuse, à une tentative d’opportunisme politique ou à un geste pour se racheter après avoir été sur le point d’être confondu avec des groupes dont certains entretenaient des relations de proximité, justement, avec les chefs d’Aqmi.

Mais à l’époque (avril), la proposition était restée sans lendemain. Et depuis, le MNLA, en proie à des difficultés sans nombre, s’était fait plus que discret. Le creux de la vague, pour les rebelles touaregs, a eu des allures de naufrage depuis que fin juin, leurs hommes se sont fait chasser de Gao et Tombouctou par les groupes armés islamistes radicaux avec lesquels ils avaient mené certaines actions militaires et cohabité tant bien que mal depuis les victoires communes du mois d’avril.

A la suite du coup d’Etat à Bamako du 22 mars, alors que l’armée malienne finissait de s’effondrer, la prise de ces deux villes par la rébellion s’était faite sous la bannière des rebelles touaregs, oriflammes aux couleurs de l’Azawad, comme ils appellent ce Nord du Mali dont ils réclament l’indépendance, bientôt remplacé par le drapeau noir des islamistes radicaux.

Rebelles touareg avec drapeau de l’Azawad/Magharebia

Certains spécialistes en concluent que le MNLA aurait constitué, à son corps défendant, un « faux nez » pour Aqmi, ou l’un de leurs alliés dans la seconde phase de la rébellion : Ansar Eddine, le groupe d’Iyad ag Ghali, ou le Mujao (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest). La difficulté tient à ce que des mouvements de vases communicants se sont établis entre groupes armés, concernant aussi bien les hommes que les armes.

Mais le grand perdant, dans le courant de l’année 2012, ce fut bien le MNLA, qui a vu une partie de ses hommes migrer vers d’autres groupes, tandis qu’il perdait ses positions essentielles sur le terrain. Il lui reste à présent des forces dans la région de Ménaka (proche du Niger), et vers Léré (proche de la Mauritanie).

Alors qu’approche le vote d’une résolution (aux alentours du 26 novembre) par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui ouvrirait la voie à une opération internationale au Mali pour y attaquer les groupes « terroristes », dont on se demande toujours qui cela désigne, exactement, le MNLA renouvelle sa proposition de faire partie de l’opération, et même à y jouer le rôle principal.

En substance, les responsables de la structure politique dont s’est dotée le MNLA, le Conseil transitoire de l’état de l’Azawad (CTEA), sont prêts à l’action contre Aqmi dans le Nord Mali. Ils ont envoyé une lettre à ce sujet au Secrétaire général des Nations unies et à diverses organisations internationales.

Aujourd’hui, Hama Ag Mahmoud, chargé des relations extérieures et de la coopération internationale au sein du CTEA, met en garde : « Les Occidentaux veulent donner les moyens d’une intervention à des personnes qui vont en faire un très mauvais usage : contre les populations civiles. » Le responsable du MNLA entend par là qu’il redoute des exactions et des vengeances contre les touaregs dans le cas où l’armée malienne avec des soldats « du Sud » viendrait opérer au Nord, avec l’appui de soldats d’Afrique de l’Ouest.

Cela ne signifie pas pour autant que le MNLA est contre une intervention : « On a trop attendu, on ne peut pas ajourner la guerre contre le terrorisme. (…) Nous sommes pour une intervention militaire contre Aqmi », explique-t-il, joint par téléphone, en précisant aussitôt sa pensée : « Les populations du Nord vont voir cela comme une guerre de Noirs contre des Blancs, et comme l’armée malienne n’a jamais respecté les droits humains, ça va être le chaos. Dès qu’on va annoncer le début de l’opération, toute la population va se vider dans les pays voisins. »

« Nous sommes sur le terrain, nous connaissons la région, nous ne ferons pas de confusion entre les populations et les combattants. Nous sommes les seuls à pouvoir chasser Aqmi de cette région », ajoute-t-il. « Mais nous ne pouvons pas lutter contre cette nébuleuse tous seuls. Si on nous aide, on peut le faire sans bavures. »

On voit tout de suite le problème soulevé : il semble difficile d’imaginer que le Mali donne son accord pour qu’une opération internationale se fasse dans le nord du pays en armant le groupe qui avait entamé la rébellion, fin 2011, qui avait précipité à la fois l’effondrement de l’armée, le coup d’Etat et la partition actuelle du Nord. Pour tenter de corriger cette impression, le MNLA affirme désormais ne plus souhaiter faire sécession. Hama Ag Mahmoud assure même que le temps est venu de constituer une « excellente fédération » au Mali.

Car, dans ce scénario, les différents groupes armés pourraient se liguer contre Aqmi, aller leur faire la guerre, puis entamer des négociations dans un Mali apaisé… Presque un rêve ? « Aujourd’hui, tout le monde est mûr pour une négociation », assure Hama Ag Mahmoud.

Et dans l’immédiat, songeant qu’il faut à tout prix que son mouvement se entreprenne une première série d’opérations militaires qui feraient la démonstration qu’il n’a pas disparu, le MNLA a aussi fait envoyer une lettre par l’intermédiaire d’un cabinet d’avocats à la Cour pénale internationale pour l’assurer de ses bonnes intentions.

Dans l’intervalle, d’autres mouvements armés apparaissent dans le paysage saharien. Ce groupe, par exemple, ressemble à première vue à des rebelles du MNLA.

Combattants du FNLA région de Tombouctou

En réalité, ce sont des membres des ex-milices de la communauté arabe berabiche de Tombouctou, qui ont fondé un mouvement armé, le FNLA, devenu dans l’intervalle le MAA (Mouvement arabe de l’Azawad). Ses membres, issus d’une milice locale qui avait abandonné Tombouctou au terme de négociations lors de l’entrée en ville des forces rebelles, en avril, se sont regroupées dans l’extrême nord du pays, à 150 kilomètres de la frontière algérienne, à Aghabab.

Trois gradés maliens ont rejoint récemment le mouvement, les colonels Sidi Ahmed Kunta, Hussein Ould Ahmed, plus connu sous le nom de « grand quelqu’un » et Moulaye Habi. Et que veut le MAA ? Participer aussi à une éventuelle opération contre Aqmi et, comme le souligne un de ses responsables, Abdoul Karim Ould Oumar, une forme d’autonomie : « Chaque région du Mali devrait être récupérée [sous le contrôle] de ses autochtones. »

Il est encore trop tôt pour savoir si ces déclarations seront suivies d’effet. Seulement, comme le résume Hama Ag Mahmoud, « tout le monde est dans l’esprit de la guerre ». Guerre contre qui ? La question est plus complexe qu’il ne semble.



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