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« Le Maroc ne s’apprête pas en effet à siéger au sein de l’Africa Hall en spectateur passif et en position de faiblesse, mais… »

Avec le retour programmé du Maroc au sein des instances panafricaines, récemment  à Addis-Abeba, le puzzle continental retrouve enfin la pièce essentielle qui lui manquait : un pays de 35 millions d’habitants à l’économie dynamique et qui fut, en 1963, l’un des pères fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine (OUA).

Le fait que cette réintégration du royaume soit l’aboutissement logique d’une politique africaine conçue et menée par le roi seul depuis plus d’une décennie non pas dans cette perspective (laquelle ne s’est ouverte que récemment), mais par conviction, tropisme et intérêt géopolitique n’est pas, on le sait, apprécié par tout le monde.

Le Maroc ne s’apprête pas en effet à siéger au sein de l’Africa Hall en spectateur passif et en position de faiblesse, mais porté par les applaudissements de ses nombreux amis.

Et il compte bien, même s’il ne le dit pas, s’employer désormais de l’intérieur à résoudre « l’anomalie » que représente à ses yeux la présence de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), laquelle fut, il y a trente-deux ans, la cause de son divorce. Pendant trois heures, ce 12 novembre 1984, Maroc et RASD siégèrent ensemble avant que le conseiller du Palais, Ahmed Réda Guédira, lise un message laconique du roi Hassan II : « L’heure est venue de nous séparer. En attendant des jours plus sages, nous vous disons adieu. »

Le Maroc n’est pas la Libye

Après avoir longtemps « zappé » l’Union africaine (UA) en multipliant les relations bilatérales avec les États membres – 46 visites dans 25 pays –, Mohammed VI estime donc que l’heure des retrouvailles « officielles » a sonné.

Une conséquence et une conclusion qui n’ont que peu à voir avec l’analyse développée ces dernières semaines dans certains médias européens, mais aussi maghrébins et subsahariens, selon laquelle la disparition de Kadhafi et de la Libye comme acteurs panafricains aurait ouvert le continent aux ambitions marocaines, qui se seraient en quelque sorte coulées dans le même moule.

La comparaison ne tient pas : la politique africaine de Kadhafi était à la fois clientéliste, opportuniste, agressive et mégalomaniaque, celle de M6 s’appuie sur des liens séculaires, notamment religieux, privilégie les projets de développement durable et les contacts humains. Le « Guide », lui, avait un objectif unique : contourner l’embargo occidental, alors que le roi inscrit l’Afrique dans le cadre de la diversification des partenaires extérieurs du Maroc. Bref, le parallèle, douteux, relève manifestement du fast thinking.

Plus sérieux sont sans doute les signaux et avertissements perçus du côté du Sahara occidental. Plus la perspective de l’arrivée du Maroc au sein de l’UA se précise, plus la tension se fait palpable sur le terrain, le lien entre l’une et l’autre étant évident.

Maroc et Polisario directement en contact

Dans un long reportage très empathique publié le 16 janvier sous un titre alarmiste (« La prochaine guerre d’Afrique du Nord »), le New York Times donne la parole aux dirigeants du Polisario et à la jeune génération des camps de réfugiés sahraouis, qu’il décrit comme « à bout de patience » et déterminés à se lancer à l’assaut du mur de défense marocain, les armes à la main.

Les indépendantistes multiplient les manœuvres militaires dans la zone tampon, à portée de jumelles des Forces armées royales (FAR) et des Casques blancs de l’ONU. Pour la première fois depuis le cessez-le-feu il y a vingt-cinq ans, Marocains et Polisario sont directement au contact à Guerguerat, non loin de Dakhla et de Nouadhibou.

Il y a certes dans cette description une part de propagande et de volonté de faire pression sur la communauté internationale. Mais elle est minoritaire, et nul ne peut exclure que le Front Polisario, dont la base s’est radicalisée au point de flirter à l’occasion avec les bandes jihadistes qui écument le Sahara, souhaite faire entendre le crépitement des armes jusqu’à Addis-Abeba – ne serait-ce que pour gâcher des retrouvailles auxquelles le roi lui-même a prévu de participer.

Rappel indispensable au cas où une telle éventualité viendrait à se produire : sans le feu vert de l’Algérie, qui l’héberge, le Polisario ne peut pas tirer une seule balle.

 

  Adil Said Ali, Étudiant en 3em année de droit à l’Université Des Comores                                                          

 

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