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Les Vénézuéliens sont las des pénuries

Dans le centre de Caracas, les gondoles de l’hypermarché Mercal Bicentenario sont pleines, mercredi 10 avril. « C’est parce qu’on vote dans quatre jours, maugrée Anacely, une mère de quatre enfants venue faire ses courses. En temps normal, les pénuries sont continuelles. Je dois venir deux ou trois fois dans la semaine pour faire mon marché complet.  »

Anacely bougonne mais elle est une fidèle cliente de ce réseau Mercal, mis en place par le gouvernement de Hugo Chavez il y a dix ans. Il permet d’acquérir des produits de base à des prix subventionnés. Le kilo de poulet y coûte 5 bolivars, soit 60 centimes d’euro. « Avec un salaire minimum à 2 047 bolivars (248 euros environ), on est bien obligé de faire attention », précise Anacely.

Les promesses des candidats à l’élection présidentielle, qui a lieu dimanche 14 avril, à la suite de la mort de M. Chavez le 5 mars, laissent la mère de famille sceptique. Deux jours plus tôt, le président par intérim, Nicolas Maduro, a assuré, s’il était élu, qu’il augmenterait le salaire minimum de 45 %, en trois fois d’ici la fin de l’année. Son adversaire et candidat unitaire de l’opposition, Henrique Capriles Radonski, a immédiatement renchéri, en annonçant une hausse salariale de 40 %, d’un seul coup et dès lundi !

20,1 % D’INFLATION EN 2012

Dans un supermarché de Maracay, en avril, une fresque représentant Hugo Chavez sur laquelle on peut lire : «Assurer la souveraineté alimentaire. La lutte. » | Ramon Espinosa/AP
Dans un supermarché de Maracay, en avril, une fresque représentant Hugo Chavez sur laquelle on peut lire : «Assurer la souveraineté alimentaire. La lutte. » | Ramon Espinosa/AP

« De toute façon, l’inflation va rapidement tout nous prendre », soupire Anacely. Malgré un strict régime de contrôle des prix, l’inflation a encore atteint 20,1 % en 2012. Et 7 % sur les trois premiers mois de l’année.

Autre sujet d’insatisfaction des ménages vénézuéliens, les coupures d’électricité sont quotidiennes en province. La capitale y échappe. Le candidat socialiste pointe du doigt les « saboteurs de droite ». En perspective des élections, toutes les centrales du pays ont été militarisées. Mais M. Maduro a également annoncé la création d’une grande « Mission électricité », une façon d’admettre que le secteur, qui a été nationalisé en 2007, affronte une grave crise.

Sur son site Internet, l’entreprise électrique Corpelec annonce tous les jours le « plan de gestion » des coupures électriques, département par département. Dans le Zulia, elles ont lieu « par tranche de deux heures maximum, entre 12 heures et 16 h 30, et 18 heures et 23 h 30 ». La soeur d’Anacely, qui y habite, explique au téléphone : « Je rentre du travail à 19 h 30. Il fait nuit. Je dois faire la cuisine et laver le linge, les enfants veulent regarder la télé. Le rationnement nous pourrit la vie. » Mais les tarifs d’électricité n’ont pas augmenté en dix ans.

Un rapport du ministère de l’énergie électrique pour l’année 2012 évoque « le manque de budget pour couvrir les dépenses opérationnelles et les investissements nécessaires à l’entretien et l’expansion de l’infrastructure ». La production d’électricité a augmenté sur l’année de 2 868 mégawatts (MW), au lieu des 4 700 MW prévus.

RENTE PÉTROLIÈRE

M. Maduro jure de maintenir le cap fixé par son charismatique prédécesseur. La « révolution bolivarienne » de Hugo Chavez a redistribué la rente pétrolière vers les secteurs les plus défavorisés, tout en renforçant le rôle de l’Etat, par l’intermédiaire des nationalisations et la régulation croissante du marché.

M. Capriles promet, lui, de démanteler les contrôles – à commencer par celui des changes –, d’attirer les investissements privés, de créer des emplois « bien payés »… et de maintenir tous les programmes d’aide sociale. « Hugo Chavez a gagné la bataille idéologique : personne aujourd’hui ne conteste les vertus de l’inclusion sociale », souligne l’analyste Oscar Schemel. Les candidats auront-ils les moyens de leurs ambitions ? Ils promettent tous deux d’augmenter la production de pétrole, qui stagne depuis plusieurs années, de 3 à 6 millions de barils par jour.

Les analystes critiques du régime sont convaincus qu’après quatorze ans de gestion socialiste, le pays va à la catastrophe. Toujours très dépendant de ses exportations de pétrole (qui fournissent 90 % des devises), le Venezuela importe de plus en plus et produit de moins en moins. Il s’endette. Le déficit fiscal a atteint 12 % du produit intérieur brut (PIB) fin 2012 et la dette publique frôle désormais 50 %. Et le bolivar ne cesse d’être dévalué. « Une politique d’ajustement est inévitable, quel que soit le prochain président », juge l’économiste Angel Garcia.

« Cela fait dix ans que l’opposition annonce l’effondrement du pays », rappellent a contrario les sympathisants de la « révolution bolivarienne ». Les économistes mettent également en avant la forte réduction de la pauvreté. Et rappellent qu’en 2012, la croissance – dopée par les dépenses publiques et le bâtiment – a dépassé 5 %. De plus, la Chine est prête à jouer les bailleurs de fonds et le Venezuela, qui peut continuer à hypothéquer ses gigantesques ressources pétrolières, n’est pas au bord de l’asphyxie financière. Mais les nuages s’accumulent.

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