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L’indépendance, enjeu des élections en Catalogne

Le président du gouvernement régional catalan Artur Mas, le 18 novembre lors d'un débat télévisé à Barcelone.

Des drapeaux catalans et européens virevoltent derrière Artur Mas, le président de la Catalogne, tandis qu’il approche du micro. « Pour la première fois depuis trois siècles, le peuple de Catalogne va enfin pouvoir décider de son futur », lance le charismatique chef de file de la coalition nationaliste de droite Convergence et Union (CiU) devant les 3 000 personnes qui assistent, le 18 novembre, dans le palais des sports de la Mar Bella de Barcelone, au grand rassemblement de la campagne pour les élections régionales de Catalogne.

Dimanche 25 novembre, les Catalans ne voteront pas seulement pour renouveler le Parlement régional. Ils choisiront surtout de donner ou non leur voix en faveur de l’indépendance.

En organisant ces élections anticipées deux ans avant la date prévue, le gouvernement catalan a décidé d’emprunter « le chemin de la liberté » après s’être vu refuser, en septembre, un nouveau pacte fiscal avec Madrid visant à réduire sa contribution à la solidarité nationale. Près de 16 milliards d’euros, soit 8 % du PIB, sont prélevés en Catalogne et n’y reviennent pas, selon les chiffres officiels.

 

Des drapeaux catalans dans une imprimerie, à Gérone, le 13 novembre.

Le programme de M. Mas s’ouvre sur deux promesses : « consulter le peuple de Catalogne durant la législature pour qu’il puisse décider librement et démocratiquement de son futur » et « construire une majorité sociale pour que la Catalogne puisse avoir son propre Etat dans le cadre de l’Europe« .

Les déclarations du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qui a laissé entendre que l’Europe ne reconnaîtrait pas un nouvel Etat né d’une sécession, ne l’ont pas échaudé. « Le chemin est plein d’incertitudes, mais moins que celui qui consisterait à rester immobile, dans une relation avec l’Espagne qui nous affaiblit », assure Oriol Pujol, fils du nationaliste Jordi Pujol, l’emblématique président de la Catalogne de 1980 à 2003 et secrétaire général du parti libéral Convergence démocratique de la Catalogne (CDC), qui forme, avec les démocrates-chrétiens d’Union démocratique de Catalogne (UDC), la coalition CiU.

Dans la salle, Laura Mas Vidal, agent commercial, 46 ans, est aux anges : « Un avenir meilleur s’ouvre pour la Catalogne », dit-elle, convaincue du bien-fondé de la voie proposée par M. Mas. Pourtant, au sein même de la coalition CiU, qui regroupe indépendantistes et fédéralistes, certains s’inquiètent du tour pris par les événements. Artur Mas s’est-il laissé déborder par la clameur populaire qui s’est exprimée lors de la Fête de la nation catalane, le 11 septembre, quand 1,5 million de personnes sont descendues dans les rues de Barcelone pour demander l’indépendance ?

 

Mariano Rajoy, à droite, salue ses partisans accompagné de Alicia Sanchez Camacho, présidente de la section catalane du Parti populaire, le 20 novembre.

Jusqu’à présent, CiU avait toujours déployé autant d’énergie à réclamer plus d’autonomie pour la Catalogne qu’à ménager ses relations avec le reste de l’Espagne, principal débouché des entreprises de la région. Mais, aujourd’hui, le divorce semble consommé. « Je veux que nos droits soient respectés, explique Olga Garcia, 43 ans, de parents andalous et estrémadurien. Madrid nous maltraite. Nous sommes le moteur de l’Espagne, mais elle accapare nos richesses tandis que nous tombons dans la misère », affirme cette récente convertie au combat pour l’indépendance.

« Celui qui a créé le plus d’indépendantistes, c’est le gouvernement central », soutient Ramon Espadaler, le président du conseil national d’UDC. Les infrastructures délaissées par Madrid, les recours déposés contre l’enseignement en catalan dans les écoles et la censure, en 2010, par le Tribunal constitutionnel de plusieurs articles fondamentaux du nouveau statut d’autonomie approuvé en 2006 ont avivé les tensions. Et sur fond de crise économique, le sentiment indépendantiste, partagé actuellement par 44 % de la population, a explosé.

Créditée d’une large majorité, renforcée par la déroute des socialistes, CiU espère obtenir, dimanche, la majorité absolue afin de défendre son projet à Madrid et à Bruxelles. Et aussi, au-delà de la seule question de l’indépendance, de pouvoir gouverner les mains libres à Barcelone.

 

Des manifestants brandissent une banderole hostile aux mesures d'austérité défendues par la coalition nationaliste de droite CiU, à Barcelone, le 22 novembre. Le président du gouvernement régional Artur Mas est représenté tenant des ciseaux d'une main et une arme de l'autre.

Ces deux dernières années, le gouvernement régional a pu faire voter des budgets d’austérité grâce au soutien du Parti populaire (PP, droite), parti « recentralisateur » avec lequel la rupture est consommée. Les autres forces politiques, y compris les indépendantistes de gauche, ont prévenu qu’elles ne cautionneraient pas la politique d’austérité de CiU. Or la Catalogne, l’un des moteurs économiques de l’Espagne, n’échappe pas à la crise, avec une dette qui représente 21 % de son PIB et un chômage à 22 %.

Dans la cafétéria du palais des sports, Laura Anreus, 32 ans, regarde d’un oeil distrait la performance d’Artur Mas. « L’indépendance, je n’y comprends rien, lâche cette mère de quatre enfants, employée dans un supermarché pour 600 euros par mois, tombée par hasard sur le meeting. Ce que je sais, c’est que les médicaments ont augmenté de 50 % et qu’au lieu de prendre aux riches, le gouvernement s’attaque aux pauvres… »

Son mari, ancien employé dans la construction, est au chômage depuis deux ans. Tous deux voteront pour la Plate-forme pour la Catalogne, un parti xénophobe qui surfe sur la vague de la crise en revendiquant « la priorité à l’emploi pour les gens d’ici ».

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