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Madjadjuu, un quartier à la pointe de la délinquance

Alors que les élections municipales se dérouleront ce 23 février, Al-watwan a fait le choix de se rendre à Madjadjuu, l’un des quartiers les plus défavorisés de la capitale. Promiscuité, manque d’éclairage public, délinquance de toutes sortes…

Madjadjuu, quartier situé au sud de la capitale, Moroni. Des centaines de feuilles de tôles scintillent sous le soleil brûlant de ce jeudi 20 février. Nous arrivons à 10h00, et ici garages, commerces de proximité et trafics en tous genres se côtoient. Si dans les principaux quartiers de Moroni, l’irrégularité de la distribution de l’eau reste le principal problème, ici ce n’est pas le cas.

Une jeunesse sous l’emprise des graves tares sociales

Ali Abdou, rencontré dans un garage juste à l’entrée Est du quartier. « Tout le monde veut venir ici parce que nous avons de l’eau mais nous vivons dans la peur, nous assistons impuissants à des trafics de toutes sortes, les gens viennent de loin pour s’approvisionner en alcool, drogues et autres chimique».
D’ailleurs, la discussion du petit groupe tournait « autour des ravages de la drogue et de l’alcool sur la jeunesse », à notre arrivée. Ali Abdou demande « plus de présence de la part de l’Etat, il doit réagir, au-delà des conséquences d’une consommation abusive d’alcool sur la santé de ces jeunes, ma femme et moi ne pouvons dormir en toute quiétude parce que notre sommeil est entrecoupé par des cris, des hurlements et des bagarres», regrette-t-il. De fait, la promiscuité est terrible à Madjadjuu rendant impossible toute intimité et exposant ses habitants à toutes sortes de dangers. Les maisons en tôle sont en effet collées les unes aux autres.

«Ici, c’est le Brésil»

Les propriétaires terriens préfèrent gagner toujours plus d’espace en collant les habitations avec toutes les conséquences que cela suppose. Et la mairie de Moroni ne délivre les permis de construire que pour les maisons en dur. Un homme issu du petit groupe se propose de faire le guide pour nous. « Venez, nous allons voir ce qui se passe dans les couloirs », dit-il. Les couloirs, ce sont les petites ruelles qui séparent les maisons. Ils sont parsemés de bouteilles d’alcool vides ou encore de canettes de bières. Sur notre chemin, un jeune homme s’écrie : «ici c’est le Brésil», preuve de la violence des lieux. Brésil comme les favelas.

«Descente des forces de l’ordre tous les samedis»

Des rires sont entendus mais l’atmosphère se fait plus pesante à mesure que nous avançons. Nous tombons sur un petit groupe. Parmi eux, des hommes sérieusement éméchés à cette heure du jour et une jeune femme qui l’est tout autant. Celle-ci a la dentition abîmée probablement par l’usage des produits alcoolisés. Les habits sont sales et le visage fané. Pourtant, elle ne doit pas avoir 25 ans. Le plus alcoolisé de tous (ou alors le plus nerveux) s’agite dès qu’il aperçoit notre appareil photo. « Vous n’avez pas le droit de me prendre en photos », menace-t-il et nous de lui répondre que celui-ci n’était pas allumé.
La pression monte d’un cran, certains nous soutiennent et d’autres nous invectivent. Un jeune garçon a la coupe afro, nous livre son conseil : « il ne faut pas venir ici avec des appareils photos aussi visibles pour filmer la zone, vaut mieux un drone». A côté de l’attroupement provoqué par le jeune homme éméché, se trouve une jeune maman avec ses bambins, visiblement apeurés. « Vous savez, j’ai peur que mes enfants pensent que la bière se boit comme de l’eau ou un jus, et c’est cela qu’il voit tous les jours », a relevé un jeune papa, qui se trouvait à quelques pas du groupe.
Nous préférons prudemment battre en retraite, suivis par notre guide. « Vous devriez venir ici à la tombée du jour, je vous aurais montré le couloir de la mort, lieu de tous les abus et souvent ses occupants en viennent aux mains parfois avec une violence très dure, celle-ci est en effet décuplée par les stupéfiants ». Un maçon trouvé sur place nous indique « que tous les samedis, il y a une descente des forces de l’ordre lourdement armées, ils embarquent tout le monde mais au bout de quelques jours voire quelques heures, ils sont relâchés », regrette-t-il. A une toute jeune femme, vêtue de collants et d’un débardeur à qui nous avons demandé si elle allait à l’école, la réponse fut triste : « école ? je n’en ai absolument pas le temps », a-t-elle répondu. L’école publique la plus proche se trouver à Djomani. La violence des lieux pourrait peut- être amoindrie par l’éclairage public, présence plus soutenue de la police, etc. Encore faudrait-il que la prochaine équipe de la mairie de Moroni fasse de Madjadjuu, comme d’autres quartiers d’ailleurs, sa priorité. Sinon il risque d’être une bombe à retardement.

Faïza Soulé Youssouf/Alwatwan

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