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Mohamed Ismaëla, le prédicateur de Beit Salam

Opinion libre: J’ai écouté avec beaucoup d’attention les propos de Mohamed Ismaël, la voix de Beit-Salam, à sa toute première conférence rituelle bimensuelle qu’il a offerte à la presse.

C’est la première fois dans notre jeune République que Beit-Salam a son propre porte-parole. Mimétisme oblige.

Autant dire qu’on s’attendait, non, plutôt dire que je m’attendais, pour cette première sortie, à un événement solennel avec des propos et des informations de grande hauteur et de haute teneur, digne du zénith du pouvoir exécutif de l’Etat.

Eh bien non. C’était plutôt une extraordinaire banalité !

Jugez en alors par mon regard suspect.
En effet, en bon professeur de philosophie et en quatre temps, trois mouvements, Mohamed Ismaëla a posé et exposé quatre sujets philosophiques de huit thèmes : la communication et l’Etat ; la liberté de la presse et l’intérêt national ; L’unité nationale et la cohésion sociale ; Mayotte dans nos coeurs ; le multipartisme et l’allégeance des 14 partis au Président Azali.

Sur le premier et le deuxième thème, le prof, en pédagogue chevronné a su sublimer l’assistance dans un langage métaphorique pointé de syllogisme. En d’autres termes, la question qu’il soulève est la suivante, est-ce un Etat moderne peut exister sans communication ? Il se répond lui-même : non. La substance de l’Etat et du pouvoir c’est la communication. La communication est substantifique moelle du pouvoir. Les candidats au bac de cette année, méditez sur ce sujet là typiquement philosophique.
le second thème : un journaliste, la presse peut-elle , au nom de la liberté d’expression, de la démocratie et de la vérité, tout dire, tout dévoiler ? Non. Il a développé sa réponse de réfutation en arguant sur l’intérêt de l’Etat et l’intérêt collectif avec des exemples tirés des drames et des tragédies d’aujourd’hui de part le monde. C’est la problématique de l’individu et du groupe tel que posée par Seydou Badian dans son roman qui est repris ici.

Question classique de la raison d’Etat ou du droit de l’Etat qui prime, transcende tout autre droit. Il a ainsi parlé pour parler. En bon relativiste, il a usé de la tautologie classique pour survoler les thèmes qu’il a lui mēme imposés d’entrée de jeu. Et en toute béatitude, les journalistes ont encaissé disons plutôt enregistré le cours magistral.

Sur la tragédie que vivent les Comoriens à Mayotte, on a eu droit à une réponse lapidaire et en langue de bois, du genre :  »tout comorien est indigné choqué par ce qui s’y passe dans notre île, mais c’est à la France d’apporter une réponse car c’est elle qui administre cette partie de notre territoire ». Selon lui, le gouvernement comorien ne sait rien et n’est responsable de quoi que ce soit de ce qui s’y fait depuis 42 ans. Pour s’acquitter, se dédouaner d’une charge qui n’est pas la nôtre, il trouve une parade de gamin en disant tout bonnement que la délinquance, la violence est spécifique à Mayotte car nulle part dans les autres îles du pays on ne vit pas cela. En clair, c’est le fait colonial français dans l’île qui a donné naissance à ces violences inconnues chez nous à Ngazidja, Ndzouwani et Moili où pourtant il y a plus de misère, de mal-vivre.
En fait, Beit-Salam, impuissante, observe, constate et regarde de loin ce qui se passe dans l’île soeur mais ne se sent aucune contribution à apporter, à proposer pour trouver avec la France une solution susceptible de soulager la souffrance des nôtres pourchassés, violentés, expulsés manu-militari de l’île. Et dire que le Ministre Amine Soefou a été explicite et piquant !

À propos du projet du gouvernement français de faire reconnaître par le gouvernement comorien que  »Mayotte est un département français » en échange de ses aides aux Comores, Beit-Salam dit ne pas être au courant mais que si cela se présente, le Président informera les Comoriens. Bref, c’est la stratégie politique du  » mdwa ngoma ndo ngomani ».
Autre thème, non moins philosophique : »espoir et conflit social ». Le prof conclue sa dissertation en démontrant tautologiquement encore que le désespoir conduit inexorablement à des conflits alors il ne faut pas que les Comoriens désespèrent car le gouvernement fait beaucoup de bonnes choises pour donner l’espoir. Mais quoi par exemple ? Aucune réponse.

En conclusion, dans ce premier essai du porte-parole de Beit-Salam, le ton donné était beaucoup plus rhétorique que politique. J’ai eu comme l’impression que professeur Mohamed Ismael s’est voulu beaucoup plus porte-voix que porte-parole. Et l’exercice se prête bien à la langue de bois qu’à l’expression d’idées et de propositions engageantes malgré que l’opinion attendait du concret pour des problèmes concrets posés au gouvernement en ce moment.
De mon humble point de vue, eh bien c’est raté. On l’attendait exprimer la position claire du chef de l’Etat sur les questions politiques majeurs du moment dit dans le ton et la solennité conformes au contexte.
Et non à une rhétorique académique voire socratique. La politique ? La suite des assises d’Azali ? Il n’en a été rien. A si ! Il a donné des généralités emphatiques du genre, les recommandations émises sont toujours en étude et le chef en tirera les mesures, sociales et économiques et politiques à prendre comme le référendum.

Au finish, on a eu droit à un discours de prédicateur voire de prestidigitateur sans étoffe ni cousu mais digne d’un prélat sur sa chaire. Le prof a été plutôt dans une toge de cours magistral. Il a manqué de méthodologie et d’approche dissertative en politique. Qu’est-ce je retire comme analyse de cette prestation médiatisée ? Le poste de porte-parole de Beit-Salam a été créé pour fermer la bouche à Bélou dont les déclarations intempestives en public n’étaient plus du goût du chef qui, souvent, le mettaient sur le fait accompli, notamment, quand le directeur de cabinet s’est permis d’annoncer un référendum, une prérogative du Président, comme la suite des  »Assises », quand le même directeur, en tires groupés et en concert avec Mohamed Daoudou dit kiki, ministre de l’intérieur, malmènent les responsables de l’opposition . Ce qui choque l’opinion et certains notables qui le signalent en toute opportunité à sa majesté. Ce poste est donc la muselière posée à ces deux péroreurs devenus désormais les cendrillons de la présidence ! ?
Après l’avoir bien écouté, j’ai retenu que lui, Mohamed Ismaël, il fera de son mieux pour rapporter la palabre de Beit-Salam, si c’est bien rapporté tant mieux, sinon tant pis, le Président tirera la conclusion qu’il jugera appropriée en son endroit. Mais  »je ne suis pas Azali », à-t-il conclu en réponse à une question de Félix.

Cette réponse est d’un intellectuel et je ne la commente pas. Cependant, si je peux me permettre de noter le prof, je lui mets un 10/20 avec cette observation classique :  »Pourra mieux faire la prochaine fois ».

Bon appétit cousins.

Mhoumadi Sidi IBRAHIMA

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