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On ne vend pas les bijoux de famille: privatisation des sociétés d’Etat, Comores Telecom et des hydrocarbures

Le débat autour de la privatisation des sociétés d’Etat est amorcé, avec Comores Telecom et la Société comorienne des hydrocarbures (Sch), comme enjeux emblématiques et de taille. Il est grand temps! Toutefois, aborder cette problématique vitale pour la gouvernance politique, économique et financière, principalement sous l’angle de l’impact social en termes de “dégraissage du mammouth“, c’est prendre le risque de l’illusion d’optique et de l’arbre qui masque mal la forêt.

Certes, on ne vend pas les bijoux de famille. Quoiqu’au pays du anda na mila, la vente aux enchères du ipamkono auprès des Meck, une fois le rideau tombé sur le mashuhuli, c’est désormais un secret de polichinelle. Pourvu que l’apparence soit sauve, croit-on. Evidemment, la question sociale conserve toujours un sens premier dès lors que l’on se préoccuperait de ne pas déstabiliser un système démocratique encore tâtonnant. Mais, c’est l’ensemble du modèle social initié par Ahmed Abdallah Abdérémane qui mérite un réexamen approfondi, et non pas par touches impressionnistes.

Ainsi, il est heureux que Ma-mwe soit inscrite sur la liste, permettant de dissiper tout malentendu consistant à laisser penser que seules les sociétés dites rentables dans l’imaginaire historique et collectif intéresseraient les institutions de Brettons Wood et autres bailleurs de fonds. Cependant, avec la récente polémique sur les contrats pétroliers qui pourrait éclairer encore mieux les enjeux en cours, ne serait-ce que par le négatif, il conviendrait d’oser s’interroger sur la réalité d’une souveraineté qu’exercerait l’Etat-Nation sur des établissements publics tels qu’El-Maarouf (et autres hôpitaux dits de référence), la désormais ex-Pnac, l’Aimpsi, l’Ortc…?

En effet, nul n’ignore que ces structures, qui ont fait couler tant d’encre et de salive, au nom de la guéguerre des hutwamu, vivent généralement de quelques subventions pour assurer de maigres salaires et des aides bilatérales et multilatérales pour le moindre investissement. A l’inverse, s’appuyant sur l’épargne populaire, la Snpsf et les Meck semblent pouvoir mieux résister aux difficultés diverses, tout en usant de l’apport extérieur comme appoint.

D’obédience social-écologiste et profondément convaincu de la pertinence d’une approche musulmane de la gouvernance politique et économique (comme ailleurs d’autres perçoivent le monde sous le prisme d’une démocratie chrétienne), je suis d’avis que la société comorienne a intérêt à mieux redéfinir les termes de son incontournable évolution, au travers d’un modèle de sociétés d’économie mixte, permettant de contractualiser les capitaux publics avec les Investissements directs étrangers (Ide) et le secteur privé national.

Il appartiendrait ensuite à l’intendance de déterminer, au cas par cas, le niveau de prise de participation de chaque composante, en vue de l’équilibre de ce mariage à trois voir à quatre, entre la national et l’étranger, le public et le privé, le financièrement rentable et le socialement acceptable. Une telle démarche s’accommoderait bien d’une autre option, notamment le mode communautaire développé dans certains secteurs et parfaitement intégrable dans des projets de type Programme franco-comorien de codéveloppement.

En tout état de cause, on pourrait s’appesantir sur l’exemple de la gestion portuaire et aéroportuaire, comme expérience pragmatique susceptible de nourrir l’analyse théorique, pour une éventuelle conceptualisation. L’Apc comme l’Aimpsi représentent de structures étatiques sur des sites stratégiques, partageant la gérance avec des groupes privés étrangers (successivement al-Marwane, Gulf-com, Bolloré) et le patronat comorien (Uccia) d’une part, l’Asecna et l’Anacm, avec des compagnies aériennes privées et un duty-free. Il y a donc de quoi s’inspirer pour une voie spécifique qui impliquerait les communes d’accueil dans les Conseils d’administration de ces entreprises. Dans cette même optique, bon an mal an, le cas de l’Ortc montre qu’il est possible de faire fonctionner un établissement public avec un investissement privé étranger, une coopération internationale liée au service public faisant parfois appel à l’expertise privée, ainsi que la mobilisation communautaire des localités comme de la diaspora.

Il reste que pour le numérique, la fibre optique, les énergies renouvelables, les richesses halieutiques et sous-marines, la préservation de l’environnement et la prévention face aux changements climatiques, etc…, le niveau d’investissements suppose une telle mobilisation de fonds qu’il devient impératif, pour les gouvernants comme pour les administrés, de se refuser aux habituelles querelles politiciennes qui empêchent de prendre la mesure, ne serait-ce que du bouleversement social et économique qu’entraînent les Ntic.

En effet, loin de se chercher des poux, l’oeil rivé sur le nombrilisme villageois, insulaire, partisan ou corporatiste pour le partage des fauteuils et des prébendes, les élites se doivent d’éclairer une jeunesse qui se cherche de nouveaux repères intelligibles, face à ce qu’on a appelé joliment et par euphémisme “printemps arabe”. Objectif: masquer bien d’enjeux géostratégiques entre des puissances déclinantes qui ne sauraient se laisser abattre, des économies émergeantes qui réinventent les concepts à l’instar du “socialisme de marché“ à la chinoise, des peuples qui ne se laissent plus contrer et se refusent à “l’indignité“, ou encore la problématique de l’intangibilité des frontières mise en cause avec la naissance d’un nouvel Etat au Sud Soudan et les extrémismes religieux qui fragilisent la cohésion sociale et la stabilité démocratique comme base de développement dont le Mali en est l’exemple.

Autant conclure que, loin des anathèmes à longueur de vie, la priorité est plutôt de se démarquer de l’esprit des chicanes et de la multiplication des clans et groupuscules qui interdisent de rationaliser la pensée et de promouvoir une société où le degré de satisfaction de l’habitant consommateur serait au coeur des politiques publiques comme de la prospection de l’investisseur, avec une pluralité des options économiques et des opinions politiques, institutionnellement délimitées.

L’intelligente urgence consisterait ainsi à instituer un cadre de mobilisation des énergies créatrices et de la critique productive, pour accompagner positivement les infrastructures en voie de reconstruction et les superstructures en voie de recomposition, afin de ne pas se focaliser sur des échéances électoralistes et les naines ambitions, au risque de ne subir que les vagues tempétueuses.

Ce faisant, il conviendrait tout autant de replacer la question de Mayotte dans la perspective globale de l’Afrique et de l’Océan indien, en tant que champ de prédilection pour des batailles passées, présentes et futures, autour des gisements de toutes sortes, des axes maritimes et des démographies de plus en plus liées à des économies locales et régionales en croissance.

Sans donc jouer au Cassandre, même si le monde n’attendra guère que nous voudrions bien finir nos querelles qui se voudraient byzantines, disons simplement qu’au pays des îles de la lune, et à tout le moins, on est en droit de croire que le langage des marées ne devrait point surprendre le lecteur. Mais, comme tout est relatif, “msumbidji tsi karibu“ chantonnait l’autre en pagayant et en se disant qu’à Dieu ne plaise!

Soilih Mohamed Soilih

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