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Un Nouveau Code des Investissements Pour l’Attractivité de la Destination Comores

Par décret en date du 30 janvier 2021, le Président de la République a promulgué la loi n°20-035/AU du 28 décembre 2020 portant code des investissements.
Il est avancé que ce nouveau code des investissements va offrir des conditions favorables, incitatives et attractives aux investissements afin de permettre d’améliorer la production et la transformation de produits destinés à la consommation locale et aux exportations.
Le nouveau code prescrit des garanties, droits et libertés au bénéfice de l’investisseur : liberté d’investissement, égalité de traitement entre l’investisseur national et l’investisseur étranger, protection des droits de propriété, liberté de transfert de capitaux, ainsi que la liberté de transfert de rémunération.


L’un des points saillants de la reforme est la suppression de la pratique de la Convention d’Etablissement et son remplacement à travers l’introduction, à côté des deux types de régimes d’agréments existant, deux autres types de régimes pour les gros investissements.
Désormais, le code des investissements repose exclusivement sur un dispositif d’agrément. L’éligibilité aux Régimes A, B, C et D est fonction du niveau d’investissement. Le régime fiscal et douanier ainsi que la durée des avantages seront fonction du type d’agrément.


Le régime A concerne les entreprises dont le programme d’investissement est égal ou superieur à 20 millions de francs et qui s’engagent à créer entre 5 et 30 emplois, le régime B concerne les entreprises dont le programme d’investissement est supérieur à 100 millions de francs et qui s’engagent à créer entre 25 et 100 emplois, le régime C concerne les entreprises dont le programme d’investissement est égal superieur à 1 milliard de francs et qui s’engagent à créer entre 80 et 200 emplois, et enfin le régime D concerne les entreprises dont le programme d’investissement est superieur à 10 milliards de francs et qui s’engagent à créer entre 150 et 500 emplois.


Le nouveau code conditionne le bénéfice des incitations fiscales et douanières à l’obtention de l’agrément. Ces incitations sont octroyées sous forme d’exonérations fiscales, de suspension temporaire des impositions et des droits douaniers, des primes à l’investissement, des crédits d’impôts divers, des dégrèvements et des amortissements accélérés, mais aussi des facilités des transferts des capitaux.
C’est ainsi que le code prévoit que l’agrément aux différents régimes permet au titulaire de l’agrément de bénéficier pendant la durée du régime, s’il est passible de l’impôt sur les sociétés (IS) d’un taux réduit de cet impôt de 15% au lieu du taux de 30%, d’un droit au report en avant des déficits constatés lors des exercices couverts par l’agrément. Si le titulaire de l’agrément est passible de l’impôt sur les Bénéfices Artisanaux, Agricoles, Industriels et Commerciaux (BAAIC) ou de l’impôt sur les Bénéfices des professions Non Commerciales (BNC), les deux dernières tranches du barème de l’impôt sur le revenu sont supprimées et le titulaire sera donc passible de la tranche de 20% sur l’intégralité de son revenu qui excède 1,5 millions de KMF.

Il bénéficie également d’un régime suspensif des droits et taxes douanières, et exonération des droits et taxes à l’importation, sur ses importations de marchandises.
Ces avantages sont davantage élargis suivant la performance de l’investisseur en matière de création d’emplois.


Mais, il faut noter qu’il n’y a pas que le code et ses incitations fiscales et douanières pour l’attractivité.
Notre pays devrait être capable de remplir intégralement et préalablement un certain nombre de conditions. Sinon les investisseurs passeront au large de l’Océan indien sans s’arrêter chez nous.
Il faut savoir que les investisseurs ont la phobie de l’incertitude : ils sont donc préoccupés par la stabilité du régime politique et de l’économie. Notre pays peut s’enorgueillir d’une stabilité politique avec l’avènement des alternances démocratiques et la disparition du spectre des coups d’Etat. Mais, quid de la stabilité économique : croissance, équilibre budgétaire, balance de paiement, inflation, dette extérieure ?
La lourdeur et la lenteur d’une administration tatillonne, le manque d’un cadre de vie pour les expatriés caractérisés par l’absence d’écoles et d’établissements de santé de référence, de logements, de loisirs… ne militent pas pour une véritable attractivité.


Plus grave encore, notre pays faillit sensiblement à l’examen de la stabilité, de la transparence et de l’efficacité de son système légal, réglementaire et judicaire : non maitrise des techniques des législations fiscales, comptables, financières et du travail, empiétement du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire, manque chronique de magistrats et absence de recyclage de ceux-ci.
Notre système judiciaire, pour ainsi dire, est incapable de faire respecter les engagements de nos partenaires économiques.
D’autres dimensions indispensables pour l’attractivité d’un territoire font malheureusement défaut.
L’absence de conventions fiscales bilatérales et de conventions bilatérales d’investissements avec nos partenaires pourrait être vue comme une raison d’insécurité juridique par les investisseurs éventuels.
L’étroitesse du marché national, la faiblesse de la croissance économique et la faiblesse du pouvoir d’achat ne milite pas pour l’attractivité du territoire comorien.

Il est même exclu qu’un pays puisse attirer des investissements étrangers dans le cas où il ne dispose pas d’un réseau de communication efficace et bon marché avec le reste du monde. Les autorités comoriennes devraient réfléchir à l’amélioration des réseaux téléphoniques et numériques et le développement d’un véritable système des transports aériens, routiers et maritimes, notamment les liaisons inter-îles. Il est irréaliste de vouloir concevoir une veritable politique d’attractivité dans un pays qui traverse une crise aigue en matière d’énergie.
Il est vrai que notre pays peut offrir une main d’œuvre bon marché comme celle recherchée par les firmes internationales, mais seulement celle-ci est sans qualification. Alors qu’avec des techniques de production sophistiquées, les sociétés multinationales sont intéressées par un personnel parlant plusieurs langues, capable de faire fonctionner des machines et d’en assurer la maintenance. D’où l’urgence pour nos autorités d’initier une vraie politique d’enseignement technique et professionnelle et d’orienter les étudiants vers ces filières. L’existence d’ingénieurs, de techniciens supérieurs, de cadres devant être recyclés facilement dans l’utilisation des technologies modernes constituerait un bon facteur d’attractivité de notre territoire.
On ne peut pas vendre aux investisseurs étrangers « la destination Comores » sans avoir rempli les conditions préalables à tout investissement.
L’existence du code des investissements, et la mise en place de l’Agence Nationale pour la Promotion des Investissements(ANPI) ne peuvent en aucun cas précéder la réalisation des pré-requis : juguler la crise énergétique, réhabiliter les routes, améliorer le cadre sanitaire, réinventer l’école et la formation, favoriser le pouvoir d’achat en maintenant le paiement régulier des salaires des fonctionnaires, assainir l’administration, lutter contre la corruption, assurer l’existence d’une sécurité juridique…Il y va même de la crédibilité de l’Etat.

Abdou elwahab Moussa
Maitre de conférences à l’Université des Comores, Avocat au Barreau de Moroni

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