En ce moment

Un président en congé et le flou de la suppléance

Le président Azali Assoumani a pris hier son congé pour se présenter aux élections présidentielles de mars prochain. Et il a nommé par décret, le ministre en charge de l’énergie Moustrdroine Abdou pour assurer sa suppléance. Toutefois, c’est le flou total autour de la suppléance. Il n’y a aucun texte qui précise le contenu des compétences et des attributions.

Candidat à l’élection du président de l’Union des Comores, Azali Assoumani a pris congé mercredi dernier et a nommé par décret Moustadroine Abdou pour assurer sa suppléance pour pouvoir se présenter aux élections présidentielles de mars prochain. Azali en congé qu’est ce que cela signifie concrètement? Interrogé sur cette question, Mohamed Rafsandjani, doctorant en droit montre que la seule chose que l’on peut savoir, ce sont les différences dans le statut. « La plus importante étant que le président en congé contrairement à la démission reste le président et il ne fait que déléguer. Alors que la démission aurait ouvert une vacance du poste, le président sur le coup redevenu un citoyen lambda et il n’y aurait qu’un seul président, celui par intérim », explique-t-il. Avec le congé, Azali Assoumani reste de droit le président et il peut encore profiter de ses avantages. Toutefois, selon les articles 83 et 84 du code électoral il ne peut pas utiliser les biens de l’Etat à des fins électorales sous peine de sanction.

En ce qui concerne la suppléance, Moustadroine Abdou, a fortiori, est tout de même borné par les mêmes limites que celles juridiquement imposées à un Président intérimaire. A ce propos, la constitution de 2018 ne semble mentionner qu’une seule : il ne peut pas changer le gouvernement. Mais cette limite mise à part, et sous la seule réserve du temporaire, le président suppléant a toutes les attributions, permanentes, du Président titulaire. « Normalement, le président suppléant peut faire que ce que le président peut faire sauf si le décret de délégation lui retire certaines attributions. Ensuite il ne peut pas faire ce que même un président par intérim ne pourrait pas faire : réviser la constitution, changer le gouvernement, dissoudre le parlement… Moustadroine Abdou a tous les pouvoirs du président mais comme il y a toujours un président, cela dépendra aussi de la délégation », détaille-t-il. Ce dernier montre que la Constitution dispose d’un article sur le régime juridique de l’intérim, mais pas comment fonctionne la suppléance.

Selon Me Damed Kamardine, avocat à la Cour, le président en Congé est devenu un candidat au même pied d’égalité que les autres candidats à l’élection présidentielle de mars prochain. « Toutes les interdictions posées par le code électoral lui sont applicables et opposables théoriquement », avance-t-il. Pour Abdourahmane Mohamed, juriste publiciste parle d’une situation inédite. Selon lui, c’est la première fois qu’un président de l’Union en exercice se trouve en position de se représenter à la présidentielle. Une situation qui n’est pas bien définie par notre droit positif. « Ce congé couvre toute la période durant laquelle Azali sera engagé comme candidat. Il prend donc fin à la proclamation des résultats définitifs s’il va au deuxième tour. S’il est éliminé au premier tour il redevient président. Bien que la lecture combinée des articles 117 et 118 de la Constitution laisse croire à un congé payé comme en droit du travail, le salaire du président ne devrait pas lui être versé car durant la période de campagne il n’est pas au service de la nation », conclut-il.

De son côté, Yhoulam Attoumani, en réalité, c’est à partir de 2002 qu’on a vu pour la première fois la suppléance aux Comores, c’est-à-dire de voir un président en exercice prendre congé en vue de participer à une élection présidentielle. « Mais pour être précis, rappelons-le que la suppléance se diffère de l’intérim. Quand bien même ils ont un caractère temporaire, l’acte de suppléance émane du président. Quant à l’intérim, il est assuré par le ministre premier après que l’empêchement du président soit constaté par la Cour suprême. Ce qui déclenche, en fait, l’intérim, c’est l’acte de constatation de la Cour suprême après saisine par le gouvernement. On ne peut donc dire que le président suppléant et le président intérimaire ont les mêmes attributions », montre-t-il. Ce dernier explique par la suite que le congé diffère de la démission aussi, car, le président en congé revient après la fin de l’élection présidentielle. « D’une manière générale, le président en congé reste le dépositaire de la fonction présidentielle. Il revient à ses fonctions après la fin de l’élection présidentielle. Pour le président suppléant, il n’est que le gestionnaire de la fonction présidentielle durant cette période électorale. La durée de sa suppléance est limitée au temps du déroulement de ladite élection », indique-il. Sur la suppléance, il montre que « ça permet au président suppléant d’assurer la gestion dans l’intérêt de la bonne marche de la fonction présidentielle. Mais en aucun cas, il ne peut défaire ce qui a été fait par le président en congé ». Parlant des attributions et des compétences de la suppléance, c’est le flou total selon Yhoulam. « J’attends lire la lettre du congé du président pour voir si le président a précisé les attributions du président suppléant », conclut-il.

La suppléance dure le temps de l’élection présidentielle, 1er tour et 2e tour.
Le président en congé reprendra ses fonctions après la fin de l’élection présidentielle. En réalité l’objectif du congé est d’éviter que le président ait recours à ses prérogatives de chef de l’Etat pour faire campagne. Et même en cas de défaite au premier tour, il doit attendre la fin du deuxième tour pour reprendre ses fonctions présidentielles. Toutefois, le président en congé reste celui qui va assurer l’investiture, soit de sa propre réélection, soit du nouveau prochain président.

Mohamed Youssouf/ LGDC

Comoresinfos est un média qui a vu le jour en avril 2012 et qui depuis lors, prône l'indépendance éditoriale. Notre ferme croyance en l'information de qualité, libre de toute influence, reste un pilier essentiel pour soutenir le fonctionnement démocratique.

Soyez le premier à réagir

Réagissez à cet article

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


error: Content is protected !!